S’il y a un jour dans l’année où les femmes occupent une place centrale dans les médias, c’est bien celui du 8 mars, présenté à l’envi comme étant « Journée internationale du droit des femmes ». Au-delà du bref coup de projecteur, l’année 2015 annonce-t-elle un changement durable, tant dans la façon dont les femmes sont représentées par les journaux et les chaînes de télévisions, que dans la possibilité effective pour les femmes d’accéder, au même titre que les hommes, à des fonctions de responsabilité dans les entreprises de médias ? 

« A l’occasion de la journée de la femme se tiennent de multiples conférences où tout le monde vient expliquer les mêmes choses depuis vingt ans. La parité c’est une lutte, pas un sujet de débat » rappelait, non sans une certaine lassitude, Gérald Karsenti, PDG de HP France, dans les colonnes de l’hebdomadaire Stratégies (06/03/15). Cette journée du 8 mars 2015 donne pourtant des raisons de célébrer une once de changement dans la façon dont sont médiatisées les femmes.  Le 4 août 2014, plus de trois cent ans après le Préambule de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympes de Gouges, en 1791, la France a décidé de mettre fin aux privilèges de genre. La télévision française ne compte à présent que 36% de femmes à l’antenne,  alors qu’elles représentent 52% de la population. La loi que rend effective un délibéré du CSA (le conseil supérieur de l’audiovisuel) entré en vigueur le 1er mars, pose enfin « l’égalité réelle entre les hommes et les femmes » sur les antennes.

Briser les préjugés

Mais l’égalité réelle entre les hommes et les femmes n’est pas seulement affaire numéraire. Il est positif de voir davantage de femmes à la télévision, mais encore faut-il que cette représentativité soit de nature à bousculer durablement les préjugés de la femme souveraine du foyer ou de la femme objet de désir. C’est pourquoi le CSA va demander aux chaînes de fournir « des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes». Cela signifie non seulement que les chaînes devront compter le nombre de femmes à l’antenne, mais qu’elles devront également rendre compte de leur action dans la lutte contre les stéréotypes dans les fictions, la télé-réalité et les programmes jeunesse. TF1 a anticipé sur la loi en diffusant le film L’Emprise, qui dénonce les violences conjugales. Le groupe audiovisuel public France Télévisions, quant à lui, s’est fixé pour objectif d’avoir sur le plateau de ses émissions au moins 35% de femmes expertes à la fin 2015, contre une proportion de 18-20% jusqu’à présent.

Dans la presse aussi, il s’agit de s’attaquer en profondeur aux stéréotypes dégradant les femmes. Le collectif Prenons la Une s’attaque ainsi à des abus de langage fréquents dans la presse. Par exemple, lorsque la violence faite aux femmes par les hommes s’interrompt par un meurtre, les rubriques « faits divers » parlent volontiers de « drame » ou de « crime conjugal ». Dans la presse locale américaine, il arrive d’ailleurs même que le terme de « meurtre d’honneur » soit employé. L’acte de violence masculine est occulté par un récit baigné d’archétypes romanesques, où la femme incarne l’élément perturbateur.

Egalité en droit, égalité dans les faits

« Il y a une question de manque de volonté de politique éditoriale. Il y a aussi le fait que les médias reflètent le climat social qu’ils alimentent eux-mêmes. », analyse le groupe de femme qui a organisé le 5 mars dernier à Dakar une table-ronde sur « Les médias à l’épreuve des droits des femmes ». Ces journalistes, entrepreneuses et membres de diverses associations sénégalaises plaident pour l’égalité des chances d’accéder à des fonctions de responsabilité dans les entreprises de presse au même titre que les hommes.

On voit bien que partout dans le monde, l’enjeu véritable est l’ascension socio-professionnelle des femmes, de l’école à l’université jusqu’au monde du travail. Tant que l’escalier reste, pour les jeunes filles, savonné de clichés à chaque marche, il faut s’attendre à ce que le paradigme de la « bimbo » type télé-réalité, devenu universel, demeure pour elles le point de référence le plus évident, au risque d’entrainer, à terme, un nivellement intellectuel par le bas des générations féminines futures. Insidieusement, les fonctions de responsabilité, de prospective et de direction, sans être de jure réservées aux hommes, leur deviendrait pourtant de facto dévolues.Quoiqu’il en soit, l’équité des genres est bien une lutte de tous les jours, et sur le long terme.

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